Les Universités sénégalaises en perdition : entre culture du népotisme et tyrannie du mandarinat

Posté le 26 février 2012 par souly dans Education, Sénégal

A la lecture des devises des universités sénégalaises on se croirait dans des temples de savoir où n’exercent et ne peuvent exercer que les prêtres du savoir. Hélas, les faits montrent qu’il n’en est rien ! Á la place d’une culture de la sélection par le critère du mérite et de l’excellence, on a. plutôt une pratique éhontée du mandarinat comme principal critère de recrutement du personnel enseignant. Si les meilleurs produits de l’université ne sont pratiquement jamais recrutés dans nos universités, c’est qu’il y a assurément un dysfonctionnement. Si les étudiants eux-mêmes se plaignent ouvertement aujourd’hui du niveau de leurs enseignants, c’est la preuve manifeste d’une crise aiguë qui frappe nos universités. L’université est trop sérieuse pour se permettre d’être un abri de médiocres : c’est de la qualité de nos universités que dépend le destin de notre pays.

L’université pleure ses valeureux pionniers : Pr Cheikh Anta Diop, Pr. Sada Sory Wone, Pr. Souleymane Seck, Pr. Souleymane Niang, Madame Parez, etc. Ces éminents professeurs et humanistes ont compris très tôt, que « l’une des plus grandes conquêtes est la conquête contre l’ignorance » et ont investi toute leur vie au service de cette conquête ultime. Dans un univers et un contexte politico-économique totalement (ou presque) déshérités voire hostiles sur tous les plans, ils ont hissé l’université de Dakar au rang des universités occidentales. Leur legs est lourd à porter pour ceux qui sont censés les continuer et sublimer leur œuvre ; et le sort actuel de l’université semble attester qu’ils on tété incapables à géré ce legs. Pire, l’héritage a été gaspillé sur l’autel du mandarinat et de la gestion népotique. L’université d’aujourd’hui est un temple de la médiocrité parce que le mode de recrutement du personnel enseignant défie toutes les règles de la bonne gouvernance et de la gestion rationnelle des ressources humaines. Au lieu de faire du mérite le seul critère de la sélection, des espèces de « Madoff » de l’université ont crée un réseau clanique, amical. N’importe qui peut, aujourd’hui enseigner dans nos Facultés, pourvu qu’il soit parrainé : il suffit d’entendre les complaintes des étudiants sur le niveau de leurs enseignants pour réaliser la réalité et l’ampleur du désastre ! Nos valeureux diplômes sont maintenant bradés, la suspicion va faire finir par régner sur les diplômes universitaires sénégalais.

La pionnière en Afrique Noire, il suffit de lire les premiers travaux de recherche durant les années 60 pour mesurer la qualité exceptionnelle des enseignements de l’époque. Sans verser dans la nostalgie, on peut mesurer l’étendue de notre recul, en parcourant les productions universitaires de notre génération. Depuis belle lurette, on s’enfonce dans le gouffre de la carence, on n’arrive plus à produire des travaux de qualité : la culture du « couper-coller » des étudiants et la cruelle désinvolture des encadreurs ont fini de transformer l’UCAD en garderie d’adultes incapables d’assurer l’éclat scientifique et littéraire dont est digne cette institution. Les faits suivants ne sont certes pas exhaustifs, mais ils sont suffisamment éloquents pour illustrer la déconfiture actuelle de l’UCAD. Suite à la lettre de Fadel Cissokho où il montrait que la manière avec laquelle le Pr Grégoire Cissokho fait soutenir des étudiants laisse à désirer, toute la famille universitaire a ressenti une secousse morale et intellectuelle. C’est un secret de polichinelle, car Fadel Cissokho parle de la mise à l’écart de Dr Salif Gaye spécialiste en Thermique mais M. Gaye était présent lorsque Grégoire faisait soutenir des thèses en thermique qui n’ont aucune valeur scientifique avec des résultats excentriques. Comment peut-on écrire une thèse sérieuse en 05 mois ? En moins d’un an, le fils d’Ibra Samb, recteur de l’université de Thiès, a soutenu son DEA et sa thèse ! Est-ce que ce mode de recherche et de soutenance est sérieux ? Ces actes ont pour soubassement des recrutements qui ne passent pas dans les règles de l’art. La liste est longue, mais on ne citera que les cas les plus insolites pour que l’opinion publique prenne conscience du sabotage qui règne actuellement dans les universités sénégalaises. Á Bambey, c’est la même culture de la nébuleuse et du mandarinat qui est en train de la dénaturer. Le Pr Aboubakry Bèye change les critères de recrutement pour favoriser ses proches. Il a, au vu et au su de tout le monde, fait recruter son beau-frère à L’université de Bambey sans respecter, dans son intégralité, la procédure normale qui réglemente ce domaine. Lors du dernier recrutement, il fait recrutement un ses étudiants qui n’a même pas de thèse. Ces hommes ternissent l’image de marque de nos universités.

L’association des docteurs et doctorants n’ose pas protester de peur de voir ses membres ne plus bénéficier de vacations. Il importe, sous ce rapport, de rappeler la lettre du doyen de la faculté des sciences appelant à ne recruter comme vacataires que ceux qui sont sous l’aile protectrice d’un professeur ! Le SAES est complice car la mission première d’un syndicat d’enseignement est certes l’amélioration de la condition enseignant, mais aussi et surtout la qualité de l’enseignement par des hommes de qualité. Le rectorat laisse faire et semble se complaire dans ce vaste réseau de népotisme. Comment un enseignant supérieur peut-il avoir 30h de charge horaire par semaine ? Cette absurdité ne fait que prouver cette révoltante évidence : ces professeurs s’enrichissent sur le dos du contribuable sénégalais. L’audit des facultés est, pour toutes ces raisons, devenu une nécessité impérieuse, et il révélerait énormément de irrégularités effarantes. .qui sortent totalement de l’ordinaire. L’on notera en outre que les postes budgétaires ne sont pas déclarés car le préalable c’est d’abord le jeu des alliances.

A sa naissance déjà l’université de Thiès connaissait une crise profonde entre deux hommes : le recteur et le directeur de l’EPT. La première entité qui inspire la suspicion est l’UFR Sciences et Technologies avec le Pr Mamadou Sarr qui, sans gêne, a recruté d’abord son fils Cheikh Sarr sans appel d’offres durant l’année académique 2007/2008 et ensuite la femme du Ministre de l’Education, Kalidou Diallo toujours sans appel d’offres en 2007/2008. Cette dernière s’est tout bonnement autorisée à laisser le soin à un enseignant de Dakar faire les cours à sa place. En 2009/2010, le fils du recteur est recruté avec 20 points pour les résidents de Thiès ! L’IUT de l’université de Thiès ouvre ses portes avec à sa tête Dr Salif Gaye, qui s’est arrogé le droit de recruter deux enseignants sans appel d’offres, le recteur lui-même a recruté un de ses parents, en l’occurrence Meissa Samb, suivant le modus operandi. Á l’UFR des Sciences d’ingénieur, le recteur fait recruter sa fille, toujours suivant les mêmes tristes méthodes. Aux dernières nouvelles, on a appris qu’il a été démis de ses fonctions et on comprend la colère des habitants de Louga suite à ce limogeage, car avec Ibra Samb, ils seraient tous à l’université de Thiès.

Au regard de tous ces manquements, nous en appelons à la vigilance des autorités de ce pays pour que nos universités recouvrent leur statut en se débarrassant de ces pratiques honteuses qui n’ont assurément pas leur place dans des institutions aussi importantes. L’université est malade de façon vitale et il nous faut la sauver en amputant, sans compromis ni compromission, la gangrène qui menace de l’abattre. Chers collègues, chers étudiants, battons-nous pour une université de développement et pour l’honneur ce pays. Commençons d’abord par balayer devant nos portes. L’université a besoin d’enseignants et de chercheurs qui vivent pour elle et non d’elle.

Sakhéwar Ndiaye

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